Vanity Fair n° 17 – novembre 2014
Lilly Chou, je veux réparer une injustice. Sur le chemin de notre vie je veux t’écrire aujourd’hui ma première lettre d’amour. Voilà plus de trente ans que nous marchons ensemble, l’un à côté de l’autre, toujours. Mais jamais avec un mot écrit. Des mots intemporels pour nous accompagner dans la danse des jours. Moi qui ai le porte-plume planté au corps et au cœur, je n’ai jamais pris le recul nécessaire pour dessiner les idées qui nous rapprochent et qui nous lient. Alors que je m’adresse à toi j’ai l’impression de t’écrire au pluriel : à peine crois-je te cerner que tu es déjà devenue quelqu’un d’autre. J’écris à l’amante, je vois la maitresse de maison qui me regardait hier soir attendant son compliment après l’excellent diner servi à nos invités ; je m’adresse à la jeune fille légère et c’est la femme conquérante qui me renvoie à mes responsabilités… Pour rester jeune il faut vivre vieux. Pour connaître le sentiment amoureux dans sa belle diversité tu me fais découvrir qu’il faut cultiver la longévité et son agrément : la patience. Saltimbanque de l’affection je t’avoue grandir chaque jour à tes côtés, mais tu le sais déjà. Les femmes font les écervelées pour laisser croire aux hommes qu’ils sont supérieurs. Dans ce jeu d’ombres et de lumières, j’opterai pour paraître avec toi dans un faisceau tamisé. Avec à tour de rôles, en vedettes, chacune de nos importances singulières et de nos priorités communes : l’épanouissement de nos enfants, certes, mais aussi de nos deux personnalités complices. Ensemble nous avons le talent de nous bonifier l’un l’autre. Le temps rapproche les êtres sages. Il y a des amours heureuses. Le choix de nous marier ne nous appartient plus. Nous étions désireux de nous découvrir et rêvions de fonder une famille. Le pari est réussi. L’homme qui est dans ton lit n’a plus vingt ans depuis longtemps et, il te sourit de toutes ses dents. Quand la jeunesse appelait le désir et son contentement rapide, l’âge mûr se nourrit lui, sans jamais se résigner, d’étonnements et de sérénité. L’amour est une dépression heureuse, une conjugaison médicamenteuse du verbe aimer, sans ordonnance ; avec prudence, en ta présence, j’en inhale le piment et la douceur.
Il n’y a pas de femme ni d’homme idéal, avec toi, juste la merveilleuse réussite d’une rencontre inspirée, reconduite et encouragée tout le temps de notre vie. Tu es la preuve par l’envie que deux droites parallèles peuvent un jour se croiser pour tricoter (fricoter) ensemble des jours savoureux.
Lilly Chou, tu es mon souffle bonheur.