Vanity Fair n° 38 – aout 2016
Mon père est la plus belle des ordures que le pays ait connue. Ma mère fut la plus grande des putes avant de le rencontrer. Je suis le fruit de cette magnifique union ; enfin, si j’en crois ma mère !
Ma vie a été une partie de cache-cache. Mon père a de tout temps subit des menaces, notamment sur moi ; dès ma naissance pour assurer ma sécurité, j’ai du disparaitre et changer de nom. Je ne porte pas celui de mes parents mais celui d’une ville d’Illinois – état de ma naissance. J’ai l’impression d’être un point sur une carte géographique. Je suis autant une destination touristique qu’un être humain. Un jardin secret en somme. Très vite ma charmante génitrice déclara ne plus vouloir d’enfant ; trop contraignant, trop compliqué, trop risqué… Pour son image de respectabilité mon père adopta officiellement, à grands renforts de communiqués, deux enfants qui firent aussi écran de protection pendant que je me la coulais douce en pensionnat et en résidence hôtelière où seule ma mère me rendait visite les week-ends. Malheureusement l’un deux fut kidnappé. Mes parents refusèrent de payer sa rançon. Mon faux frère fut exécuté. Malgré les soupçons qui pesèrent sur eux d’avoir été les vrais commanditaires de l’enlèvement, l’image de famille éprouvée et courageuse diffusée dans les médias leur fut très bénéfique. Ils demeuraient de parfaits salauds et le peuple les adulait.
Je pense avoir hérité de leurs qualités en laissant de côté leurs défauts. Pour l’essentiel, la beauté de ma mère, le sens des affaires de mon père, et des deux, leur indéboulonnable confiance en soi.
Ils portent l’opprobre en eux, moi la vertu. Je ne suis pas leur contraire, je suis la meilleure partie d’eux même. Dans le tirage au sort de la vie j’ai tiré le gros lot : j’ai reçu le meilleur et ignoré le pire. Je ne me sens pas du tout responsable de leurs méfaits. Chacun pour soi. Aucun enfant ne peut être jugé responsable du crime commis par ses parents. C’est donc sans état d’âmes que j’évolue gaiement dans la société, aussi désinvolte que téméraire, le sourire aux lèvres et la face joyeuse. J’avance dans la vie innocemment tel un être joyeux. Après de belles études et une réussite financière hors norme, par idéalisme, je caresse aujourd’hui le rêve immense et insensé non pas de faire mieux que mes parents mais d’inscrire mon faux nom dans l’histoire en briguant la fonction suprême de mon pays.
A l’électeur compétent je présente ma candidature.
Ah oui, j’oubliai de vous dire, « My name is Hillary ! ».