Le froid, le chaud
Le laid, le beau,
Dans les allées de M&O je me déshabille au fur et à mesure que je me réchauffe. Dehors, il fait un froid de canard. J’avance à pas lents jusqu’à l’idée de me retrouver nu. Non, je ne suis pas beau ! je fonds plutôt sur celles que je trouve belles. Je les déshabille du regard. Bienheureux au rendez-vous des yeux, des pensées interdites et des désirs projetés.
J’avance dans le souvenir d’un soir d’hiver parisien où je me frayais un chemin dans le froid pour aller retrouver ma dulcinée. Plus je m’approchais d’elle, plus je redoutais le contraste promis de son épiderme douillet et chaleureux au contact de mon corps glacé.
Je virevolte dans mes pensées tel le filament incandescent de l’ampoule à l’intérieur de son enveloppe de verre.
La Femme M&O est nue. Je me balade dans les ouillères du salon. Je vendange des objets dont je la pare ; des objets figés pour un corps en mouvement. Je pose sur elle des instants photographiques. Je l’habille d’accessoires et de maintes breloques. Je projette sur sa silhouette un habit malicieux qui la cache aux yeux de tous, nous devenons un couple exclusif et muet. Je la suis et déroule sur sa peau une parure décorative. Je la précède et m’amuse à chercher encore et toujours la petite note supplémentaire qui complètera le tableau. Mais hélas, elle finit par s’évanouir dans les allées. Elle s’échappe. Je continue ma visite et ma quête d’émerveillement. La femme idéale n’existe pas, c’est une chimère. Je m’éloigne à petits pas de la femme objet de mes passions pour me diriger vers l’objet à découvrir qui ravira mon enthousiasme. La beauté que l’on prête à un être ou à une chose n’est-elle pas la projection sur lui des caresses que l’on désire recevoir ?
Venue de bohème, cette intentionnelle beauté apparaît magnifiquement au détour d’un stand sous la forme de deux vases de cristal. Sobrement mis en lumière ils se donnent la réplique ; immobiles dans leurs jeux de transparences colorés, ils ignorent avec superbe la fascination provoquée sur les admirateurs qui tournoient autour d’eux. Ils se présentent aux yeux de tous impassibles et sereins. Il y a mille et un trésors à découvrir sur le salon, à caresser du regard, à mettre dans sa besace ; il n’y a pas de hasard, juste une belle rencontre, puis le début d’une conversation où le poids et la pureté du cristal entre en résonnance avec la conséquence et la légèreté de l’existence.
Il me fallut attendre jusqu’au printemps pour revoir le vase commandé dans une boutique à Paris. Je le rapporte à la maison pour l’offrir à mon épouse, la femme avec qui je partage le plus clair de mon temps – surtout la nuit !
En effeuillant l’emballage du cadeau renait le dialogue interrompu quelques semaines plus tôt. Nous redécouvrons le vase ensemble. C’est toujours le même objet et aussi un autre. Il quitte le domaine public pour rejoindre notre sphère privée. Nous le regardons à la lumière de nouveaux jours.
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Je partage avec vous les voyages que je fais en visitant le salon M&O
RENCONTRE AVEC UN MEUBLE
Maison & Objet – Septembre 2016
Posez-moi la question : « Qu’aimes-tu faire dans la vie ? ». J’aime flâner, me sentir libre, voguer dans le vent et rebondir sur des sensations. J’essaye ensuite de partager les empreintes que les choses laissent sur moi. En pérégrinant dans les allées de cette édition de septembre 2016 je ne me suis pas senti concerné par les Espaces Tendances et les animations proposées. Ces constructions qui demandent beaucoup de talents et d’énergie à ceux qui les conçoivent et les érigent m’ont paru insipides, hors sujet, loin de mes préoccupations ; oublier la fin des vacances et accepter le retour aux affaires… Je me sens exclu, écrasé. La chaleur étouffante et la trop grande luminosité à certains endroits contribuent à me contrarier d’avantage. Mais au milieu de tant de bels objets je m’interdis cependant de renoncer à rencontrer l’émerveillement. Ma marche à pas réguliers cadence et motive mon envie de rencontres agréables.
Dans le hall 7 pratiquement au même endroit où, il y a un an, j’avais eu un coup de cœur pour la console barcelonaise esthétique et fonctionnelle Come In de NOMON, je passe distrait devant un stand coréen, avant de revenir sur mes pas interpellé par le garde-manger que je crois avoir aperçu. Il s’agit en fait d’un élégant coffre en bois dont les quatre côtés sont fermés par une trame élastique verticale qui ressemble de loin à un fin grillage. Telle une surpiqure sur une pièce en cuir, le passage du fil élastique apparaît sur le plateau supérieur. Ce détail de couture me surprend et me plait. Comme à ces jolies filles à qui je trouve précipité de dire ô combien je les trouve belles dès la première rencontre, je n’osai point manifester immédiatement mon intérêt à l’exposant. Obnubilé je revins trois jours plus tard pour mieux faire connaissance. Depuis, je suis toujours sous le charme de ce meuble à la fois intriguant et beau. Il se nomme Closet-Forest et se regarde en transparence. En tournant autour apparaît évident, et contradictoire par rapport à nos idées arrêtées, qu’il ne présente ni face avant, ni face arrière. Il est accessible de tous côtés. Simple et sophistiqué, il associe le dessin traditionnel de la maison coréenne à la modernité du fil élastique. Grâce à des petites encoches, disposées en périphérie sur l’étagère du milieu, il est possible de retenir l’élastique et ainsi de composer à sa guise, sur les façades, des figures géométriques.
Ce meuble est une invitation à la caresse des yeux et des mains. Il génère aussi un dialogue silencieux empreint de malice et de sérénité. J’aimerai devenir son ami.
La Maison Voutch
Le bois est très présent à cette édition de janvier, sur les stands comme matériau décliné sous toutes ses formes et couleurs, il est également rappelé dans les allées par la fréquentation de nombreux hipsters aux allures de bucherons urbanisés aussi soucieux de leur pilosité apparente que les bimbos de leur décolleté.
Belle respiration dans ma déambulation au long cours à travers les allées, l’instant où je retrouve un exposant qui me ravit à chaque visite.
Au fil des saisons, presque à mon insu, j’ai gardé dans un coin de ma mémoire ce fameux stand. Il s’impose aujourd’hui car il a changé de hall et de configuration. Je passe devant sans le reconnaitre immédiatement. Heureusement mon Jiminy Cricket knocque-knocque dans mon crâne et m’envoie une puce à l’oreille qui me rappelle l’attachement particulier que je voue à ce stand. Ce ne sont pas les immenses et magnifiques tapis exposés qui retiennent mon attention mais la scène immuable et involontairement comique qu’il propose à chaque édition. L’exposant voudrait reproduire un dessin de Voutch qu’il ne ferait pas autrement ! Imaginez une pièce toute en hauteur avec au fond un très grand bureau derrière lequel se tient un monsieur très digne et habillé avec une grande élégance. Il offre des coupes de champagne à trois magnifiques clientes sans âge sous les regards bienveillants et professionnels de deux jeunes serveurs en livrées orientales. Ils se tiennent tous les six dans une posture stoïque et calme, formidablement décalée par rapport au brouhaha alentour.
Pas un trait de leurs visages ne bouge :
« Parlez-moi de vous, Mesdames, de vos projets, de vos envies, de vos rêves. De mon côté je me charge de les chiffrer. »
L’illustration est la photo d’une sculpture non présente sur le salon. Elle est le fruit du travail et de l’imagination de Pierre Marie Lejeune.
INSTANTANÉ
Maison & Objet – Septembre 2015
Un des préceptes auquel je m’oblige avant de rentrer dans un magasin est de savoir pourquoi j’y rentre et ce que je viens y acheter. Pourquoi je m’invite alors en passager clandestin à naviguer dans les allées du salon M&O plusieurs heures durant, d’un pas chaloupé, sans escales ? Je ne suis pas un forçat du monde consumériste possédé par ses achats, peut-être la caricature joyeuse d’un galérien moderne qui espère encore et toujours qu’en usant ses semelles il sentira le vent le soulever. À chaque coup de gambette magique je m’attends à découvrir L’Objet Merveilleux. Je ne cherche pas la lampe d’Aladin, je suis dans son palace sous un ciel multi-étoilé. J’avance dans un monde de suggestion. Ce n’est pas ma présence qui est clandestine mais ma destination qui est incertaine. En passant les portes du salon, je m’en vais quérir le hasard et la sensation.
Et la rencontre se produit.
J’éprouve pour les polaroïds une tendresse particulière, pour l’appareil vintage et pour ses développements instantanés dont on pleure aujourd’hui l’altération inéluctable. Je conserve dans mes tiroirs une collection de ce que l’on n’appelait pas encore à l’époque des selfies – une série d’autoportraits où s’immobilisait l’impression du miroir dans lequel se reflétait le visage de mes vingt ans immatures. Je regarde avec joie les manipulations manuelles sur Polaroïd du photographe Christian McManus dont plusieurs tirages ornent les murs de mon bureau, et je m’arrête, interpelé, devant le stand Polaboy qui propose de reprendre autour d’une image rétro-éclairée la même forme de cadre que celui de nos bons vieux Pola avec la base plus large que les trois autres côtés. L’offre est astucieuse, elle me permet en un clic de résoudre le problème d’encadrement et de mise en valeur des tirages des photos de l’artiste que j’affectionne.
La sculpture traverse les âges, les peintures se restaurent, on accorde aux tirages photo une espérance de vie de moins de cent ans, le Polaroïd est une anecdote photographique à laquelle la raison me suggèrerait de ne pas m’attacher. Mais je m’y accroche ! Dans le hall d’exposition n° 8 le geste design du maître de forge Jirko Bannas aimante mon regard vers le contenant Polaboy et redonne vie au contenu McManus.
L’ouverture d’un nouveau flacon créatif me promet l’empreinte d’une nouvelle ivresse.
É–M&O–TION partagée ?
La cérémonie du thé
Maison & Objet – Janvier 2015
Visiter le salon M&O me procure plus d’inspiration et de surprises que la lecture d’un simple magazine. Je suis moins dans le passe-temps que dans l’échappée volontaire. Je décide de m’évader et pourtant je m’enferme dans un lieu immense où par facilité je pourrai me laisser aller à un sentiment d’écrasement. Tout le contraire se présente à moi. Je me déplace dans un paysage de félicités admirables pour laisser mon regard et mes pensées rebondir sur les propositions à multi-facettes qu’offre chaque stand. Je laisse mon âme divaguer.
Importante discipline et conseil à ceux qui arpentent des kilomètres d’allées, toujours marcher d’un pas régulier. Avec la cadence vient l’oxygénation du corps et de l’esprit. Mon cœur ralentit et se calme, dans des courts instants m’apparaissent des évidences. L’une d’elles est que la beauté que je prête à un être ou à une chose n’est autre que la projection sur eux des caresses que je désire recevoir ; et mon cœur de repartir en fanfare attiré par le halo qui s’échappe mystérieusement par l’entrebâillement de l’ouverture d’une pièce fermée. Dans une semi-obscurité je rejoins autour d’une grande table des gens déjà assis. On me propose un thé à boire. La nappe est un écran sur lequel sont projetés des illustrations dynamiques en relation avec la belle vaisselle dressée. Je porte ma tasse à mes lèvres, l’animation intègre la disparition de l’objet et continue son ode poétique. L’ambiance m’amuse et m’emporte. Je joue tout en douceur avec les images, j’essaye de tromper la programmation du logiciel, je teste les capteurs en déplaçant ma soucoupe, le film s’adapte encore et toujours, et déploie sa féérie. Je nage dans un paysage où planent des oiseaux, plongent des poissons. Les papillons s’envolent de la tasse et vont se poser sur des branches d’arbustes aux fleurs fraîchement écloses. L’expérience est multi sensorielle car on devine quelque part, autour de nous comme des chants d’oiseaux…Je voudrai bien rester là des heures, imaginer d’autres scénario-images. Je suis sur le salon pour remplir d’enchantements mon panier, et m’apprivoiser à toute nouvelle proposition du monde de la décoration. Les arts de la table deviennent connectés. Qui est ce nouveau génie, cousin d’Aladin sans doute, qui permet aux objets d’exister au delà de leur fonctionnalité et de leur intention esthétique première ?
Je m’éloigne transporté par l’expérience que je viens de vivre, marchant désormais dans les allées du salon comme sur un coussin d’aise.
Animation vue à l’ESPACE TeamLab, hall 7.
M&O septembre 2014
Les routes qui mènent au paradis sont tortueuses. Combien de fois n’ai-je pas tempêté contre la laideur des artères qui alimentent le cœur des grandes villes ? Le monde est rempli de paradoxes, mais je ne vais pas m’attacher aux bas côtés des choses et m’empêcher d’aller voir à Villepinte les trésors promis par Maison & Objet. Quelque que soit la route empruntée, je me rends à Paris-Nord les yeux fermés, certain de découvrir les propositions magnifiques des embellisseurs de nos intérieurs quotidiens. Je suis invité dans la plus belle maison de France, je ne boude pas mon plaisir en arrivant au Salon ; l’exercice est immuable depuis bientôt 20 ans : dès les premiers pas je m’impose un rythme serein, presque nonchalant, afin de glisser dans un traveling contemplatif et de déguster, ni trop vite, ni trop lentement, les belles choses présentées. Dans mon itinéraire de vieil enfant de l’expo – j’ai travaillé 17 ans dans les salons professionnels – je regarde aussi bien les objets proposés que l’aménagement des stands. J’avoue que je regarde aussi les belles personnes qui s’égrainent de-ci de-là au fil des allées. Je reçois l’apparence de leur beauté et de leurs charmes extérieurs comme un agrément supplémentaire qui caresse mes projets imaginés de décoration intérieure. Une maison, sans un être qui l’habite, un objet sans personne qui le regarde ou le partage ne sont qu’une chose morte et vaine ; visiteurs et exposants sont les acteurs silencieux de mon film bercé aux chants des sirènes. Grâce à eux le salon a du souffle et de la vie. Le spectacle est complet et perpétuellement en mouvement, je suis au cinéma, je suis au théâtre – il y a unité de lieu, de temps et d’action – je suis à Paris, ville lumière et d’inspirations. Aux vents des circonstances et des opportunités se dessinent sur la toile tissée entre toutes les belles figures croisées mes envies de bien être et de bonheur. Je me laisse envahir d’aisances décoratives, mon panier imaginaire se remplit, j’emporte avec moi les eldorados de tissus, les anses de théières rigolotes, les carafes de coccinelles, les bétons à fleurs…, je suis ici, je suis ailleurs. Dans l’espace agrémenté de mille détails savoureux et évocateurs, je vogue sur un champ de promesses. Les décors, les suggestions se déroulent, se chevauchent, se complètent. Dans la déambulation aléatoire et inspirée, les idées s’entrecroisent, s’harmonisent et dévoilent enfin l’ambiance délicieuse à partir de laquelle, dans mon lit le soir, je m’endormirai pour donner naissance à mes premiers songes. Quand je visite Maison & Objet, je pars en croisière.
M&O Féeries, Paris : transporteur officiel d’Ubarius un brin rêveur…
Prochain embarquement les 23-27 janvier 2015