Léa.
3 lettres ;
2 yeux ;
1 regard.
Dans les yeux de Léa, il y a le silence plein du bruit que l’on prête aux voeux de l’enfance.
La petite musique qu’elle joue sans bouger les lèvres se devine comme un sourire que chacun espère.
Dans les yeux de Léa, je vois tous les manèges du monde : celui des matins quand il fait froid, ceux de l’après-midi où il faut attendre son tour.
Avec l’infini en chausson et mes bottes de sept lieux je vole avec Léa vers l’avenir merveilleux,
je voyage avec elle au pays de ses yeux…
Archives de catégorie : Ubarius, un brin rêveur
TATOUAGE
La mode est faite pour bouger. Elle est versatile, éphémère, primesautière ; elle habille et déshabille l’humeur du jour. Elle accompagne les mouvements de société, parfois elle les anticipe, dans les plus heureux des cas, elle les influence. Elle dénonce aussi les excès bien qu’elle en fasse son lit de temps en temps. Le monde de la mode est la pire et la meilleure des choses, des talents à la créativité inouïe, des savoir-faire merveilleux et rares, mais hélas elle a une propension à se prendre très au sérieux. Ceux, créateurs comme clients, qui ont compris que ce n’était qu’un jeu sont les plus heureux du monde, les autres de malheureuses victimes.
Le tatouage est un phénomène de mode destiné à rester sur la peau. Le chemin que chacun emprunte pour arriver jusqu’à l’inscription sur soi est de l’ordre de l’intime, du combat intérieur entre la nécessaire discrétion, le besoin d’expression et la volonté d’exister aujourd’hui et demain, dans le présent et l’au-delà. On considère alors son corps comme une plaque ante-mortem, un livre ouvert sur une déclaration plus ou moins discrète que l’on a curieusement envie de proposer à tous. J’entrevois une charge érotique patente à souffrir pour recevoir un dessin graver dans sa chair et au fur et à mesure que la douleur s’estompe monte le désir, comme une récompense, que le plus doux des regards vienne se poser sur soi. Et alors de recommencer pour un nouveau tatouage, une nouvelle flagellation… Un Petit Prince sur le cœur, une salamandre sur l’épaule, une étoile à la cheville, un Mickey sur la fesse, une rose des vents dans le cou, une ancre marine sur le biceps…Tracer sa vie avec un sang d’encre, est-ce le penchant à une mauvaise habitude ? Prendre sa peau pour une page blanche, en finir avec les ressemblances, marquer sa différence. A fleur de peau dessiner un bouquet de roses. Avec des nouvelles lignes de vie redonner au corps de sa naissance de belles espérances. Corps silencieux, territoire de combat, de conquête, de libération, mais sans mots, sans âme, je veux lui dessiner un destin : un dessein d’envie, d’amour et de postérité enfin. Ces dessins sur mon corps, peut-être les maux de mon cœur – des rictus de douleur pour des clins d’œil de douceur. Entre les pores de ma peau je jette l’encre nécessaire comme autant d’hypothèses à des envies que je ne maitrise pas complétement. Le tatouage participera à l’économie de mon corps non à son commerce. Malgré tous mes rêves d’éternité il disparaitra hélas avec mon dernier souffle.
Aux larmes et cetera.
Hommage aux victimes du 13 novembre 2015 à Paris.
Tags réalisés par Pierre Yves Dayot au 5bis rue de Verneuil le 26/11/15, la veille de l’hommage national aux Invalides.
T’AS DE BEAUX YEUX
Tour de Malice
J’éprouve une réelle fascination et attirance pour les propos opposés et tranchants concernant les avis sur des objets dont on se dispute le bien fondé sinon la beauté. Tout le monde a raison, tout le monde a tord. Du côté des pour comme des contres, les arguments et les légitimités sont imparables et pourtant…
Rien ne change aujourd’hui, à propos de la Tour Triangle, de la réhabilitation de la Samaritaine, etc. : on se dispute encore et toujours pour imposer une façon de voir des choses qu’on a jamais vues…
Ici retranscrit la pétition contre l’érection de la Tour Eiffel en 1889 :
« Nous venons, sculpteurs, architectes, peintres, amateurs passionnées de la beauté jusqu’ici intacte de Paris, protester de toutes nos forces, de toutes notre indignation, au nom du goût français méconnu, au nom de l’art et de l’histoire français menacés, contre l’érection, en plein cœur de notre capitale, de l’inutile et monstrueuse Tout Eiffel. La ville de Paris va-t-elle s’associer plus longtemps aux baroques, aux mercantiles imaginations d’un constructeur de machines, pour se déshonorer et s’enlaidir irréparablement ? Car la Tour Eiffel, dont la commerciale Amérique elle même ne voudrait pas, c’est, n’en doutez pas, le déshonneur de Paris. Chacun le sent, chacun le dit, chacun s’en afflige profondément, et nous ne sommes qu’un faible écho de l’opinion universelle, si légitimement alarmée. Enfin, lorsque les étrangers viendront visiter notre Exposition, ils s’écrieront, étonnés : ‘’Quoi ? C’est cette horreur que les Français ont trouvée pour nous donner une idée de leur goût si fort vanté ?’’ Ils auront raison de se moquer de nous, parce que le Paris des gothiques sublimes, le Paris de Puget, de Germain Pilon, de Jean Goujon, de Barye, etc., sera devenu le Paris de Monsieur Eiffel. »
Le Temps, 14 février 1887
Extrait de la « Protestation des artistes » signée entre autres par Ernest Meissonier, Charles Gounod, Charles Garnier, William Bouguereau, Alexandre Dumas fils, François Coppée, Leconte de Lisle, Sully Prudhomme et Guy de Maupassant.
BLOG & BLAGUES
Rudy RICCIOTTI
Traitement architectural brut, propos de soi piratés.
Rudy Ricciotti, extraits mai 2006.
«… Je n’aime pas la modestie, je trouve cela extrêmement vaniteux. Je n’aime pas la distance, je trouve cela présomptueux…il y a de la lâcheté dans la distance…
Le thème de l’humilité, en soi, m’indispose ; je trouve cela extrêmement obséquieux, très très prétentieux…
Pour survivre, il faut de l’ironie, de l’ironie sur soi-même aussi… »
Le Vol du Poisson Rouge
Je vole comme un poisson rouge.
J’ai mis un masque et des gants blancs pour ne pas me faire remarquer…
« Tour de contrôle à Poisson Rouge : y-a-t’il de l’eau dans le bocal ?
Préparez-vous à sortir les plongeoirs et aussi les amuse-gueules.
Préparez mon grand peignoir, je ne suis pas seul. »
… Prétextant une poussière, je vais me rincer l’œil. Je glisse profiter des courants d’eau entre les jambes d’une belle sirène.
Elle rêve d’une île, je garde mes ailes.
Ensemble nous nous envoyons en l’air et rebondissons au-delà des océans vagues.
Nous nous moquons de l’apesanteur des jours.
VILLA COUËLLE
Heureuse échappée à la banalité des jours.
Encore enivré par mon voyage dans la forêt de Chevreuse, alors que se bousculent mes impressions, je me remémore toutes les choses vues. Passant de l’une à l’autre, je dessine dans ma tête une idée de désir. Le cabinet de piscine conçu en 1967 par Jacques Couëlle déstabilise la façon raisonnable de percevoir l’architecture puis de l’exprimer. Cette maison est posée là au milieu des arbres ; elle veut à la fois être discrète en se fondant dans le paysage – son côté organique – mais elle se fait fantastiquement remarquer – son côté onirique.
Quand on apprécie une maison, dans la perspective notoire de l’acquérir, en fonction de ses prétentions et exigences personnelles, on se laisse flatter par l’apparence extérieure et on juge le confort intérieur. La villa Couëlle se regarde de plusieurs façons que l’on soit dedans ou dehors. Mais on ne s’aperçoit pas y être entré, on ne se rend pas compte en ressortir. La nature des impressions ne change pas que l’on soit à l’intérieur ou à l’extérieur. C’est la maison qui vous habite tout entier. Elle inverse les codes de lecture et les complète. Je ne visite plus un lieu, j’endosse un costume, je vis un personnage : ce soir j’étais de sortie dans un surprenant lieu-dit »Roche Couloir ». Je montais et descendais les escaliers, faisant le tour de la piscine, je m’envolai au-dessus de la canopée d’hiver pour m’imaginer déjà en été avec de magnifiques créatures langoureusement couchées et intelligemment dévêtues au bord du bassin. Cette maison vous habille, elle vous invite aussi à imaginer la vie à poils ! Quel que soit votre point de vue, le paysage est partout, à l’intérieur de vous même, à l’extérieur des autres. Votre regard se pose dans une perspective, il file déjà ailleurs. Vous êtes seul, empli de plénitudes et de contradictions. Les surréalistes auraient adoré faire la fête ici. La discrète et tonitruante Villa Goupil serait devenu leur Ruche Boudoir pour s’évader et rêver à hautes voix, ils auraient chanté la déstructuration de la pensée et loué la caresse des courbes.
Sortie du bois au milieu du XXe siècle, elle reprend vie aujourd’hui à l’aube d’une nouvelle ère.
-> Villa Couëlle –> Chevreuse Lounge –> Ruche Boudoir –> Elevator Screen –> Canopée du désir …
Saint-Emilion
Imaginons un instant F. Scott Fitzgerald, qui admirait tant les classes supérieures, découvrir Saint-Emilion :
« Ce n’est pas la richesse des pierres qui me fascine à St-eM, mais l’élégance, le détachement, l’aisance innée de sa familiarité avec la beauté, qualités qui ne s’improvisent pas mais s’imposent, qui ne peuvent être le produit d’une construction spectaculaire mais seulement le fruit du polissage patient des saisons, dont bénéficie dignement son architecture dans des patines héritées de sa longue histoire. »
Tableau de GUIYOME – Castel Daou Rey 2007
Merci à Laurent Dandrieu pour son article sur Fitzgerald VA déc.-12