Photographie d’un souffle.
Entre Provocation et délicatesse.
Session n° 3 d’Hysterical Literature de Clayton CUBITT.
Photographie d’un souffle.
Entre Provocation et délicatesse.
Session n° 3 d’Hysterical Literature de Clayton CUBITT.
Vanity Fair n°29 – novembre 2015
Rien de plus périlleux, que de partir en vacances, préparer ses bagages et affronter les transports. Je m’installerai bien volontiers dans le transat du voyageur immobile. Et pourtant j’éprouve un vrai plaisir à être parfois en mouvement en dehors de chez moi, à ressentir avec mon corps et ma sensibilité l’influence des lignes et des reliefs que je croise, à converser et à m’étonner avec les gens que je rencontre. Comment concilier la peur des départs, l’aversion pour le tourisme et mon envie sincère de dépaysement ? Avec une petite lâcheté assumée je m’oblige à partir en invitant ma dulcinée ; un peu comme l’adulte qui prend comme alibi d’accompagner ses enfants pour savourer en toute impunité un dessin animé. Sur la recommandation et le parrainage d’un très bon ami, je me suis engagé à partir pour Barbacane dans le golf d’Eden. Je découvre sur le papier une offre luxueuse et épurée, en bord de mer.
Le confort assuré, le repos du corps et de l’esprit garanti, je m’envole léger avec ma seule brosse à dents – une garde robe complète en adéquation avec le climat et les activités fait partie des agréments proposés. Je pars sans réticence. A peine le pied posé à destination, je commence à déchanter. Rien de ce que je m’étais imaginé n’est au rendez-vous. Nous sommes tombés dans un traquenard. Tout repli est impossible.
Malgré l’austérité et la rudesse du décor désertique, ma contrariété légitime s’estompe, je me laisse embarquer pour un autre voyage. Une belle connivence s’installe entre nos hôtes et les vacanciers naufragés. Chaque matin nous nous levons tôt et après une longue marche nous admirons en silence les splendeurs de l’aube plus belles et plus subtiles que les couchers de soleil. Nous envisageons les tableaux de Nicolas de Staël et le bleu cassé de René Char. Sur les chemins du retour nous explorons chaque jour un recoin du site archéologique qui s’avère être le joyau de notre séjour. Nous découvrons les mystères de nos origines en décryptant les nombreuses peintures rupestres.
Il n’y a rien. Il y a tout.
Parti dans le geste-encore-et-toujours d’une consommation énervée, je repars après dix jours de remise en question avec le souvenir d’une contemplation reposée. Oui, je ne suis plus le même.
Je n’hésiterai pas à parrainer des amis très chers, sans bien sûr, tout leur dévoiler. L’envie, la désillusion, la résignation éclairée puis la volonté de rester vivant et curieux font partie de l’expérience et du choc nécessaire à savourer le rendez-vous à Barbacane.
Hommage aux victimes du 13 novembre 2015 à Paris.
Tags réalisés par Pierre Yves Dayot au 5bis rue de Verneuil le 26/11/15, la veille de l’hommage national aux Invalides.
Depuis trop longtemps nos hommes politiques et nos intellectuels français, concernant la gestion de la vie de la cité, cultivent et entretiennent un déni de réalité. Les uns par un cynique opportunisme, les autres par une transformation de leurs idées en religion boursoufflées de laïcité.
Même si l’abus de religion nuit à la santé, un peu de religieux sinon de spiritualité élève les âmes.
De la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, de nos avancées intellectuelles, et parfois universelles – il est vrai – nous avons dressé un linceul sociétal. Nous avons cessé de nommer les choses qui nous gênaient pour continuer à vivre dans un monde idéal auquel nous voulons croire. L’idée plus forte que la réalité. Hélas, c’est le contraire : le réel peut être gouverné par les idées, mais en aucun cas les idées n’ont de réalité en dehors des occasions dans lesquelles elles s’incarnent (cf. Germaine de Staël).
La confusion est à son comble quand j’entends articuler aujourd’hui dans toutes les bouches le nom d’un ‘’état islamique’’, état auto-proclamé, non reconnu, mais dont le nom est répété à l’infini. Je l’entends comme une sinistre litanie.
Ohé du badaud éclairé, homme politique, intellectuel clairvoyant, média libéré, simple citoyen, navigateur solitaire ! ne peux-tu pas en parlant de ces bandits les dénoncer systématiquement en parlant d’eux comme d’un ‘’pseudo-état-islamique’’ ?
Nommons les choses à leur endroit non à l’envers de nos esprits trop emprunts d’idéaux.
Vanity Fair n°28 – octobre 2015
De page en page, de Jane Fonda à Pamela Harriman, je me balade et j’imagine vivre d’autres vies à côté et loin d’elles, hors du temps. Dans la confidence ou dans le phantasme. Je suis un homme amoureux des aventures sentimentales et des émois réussis. Je tourne la tête. Une autre figure s’annonce dans mon esprit, celle d’une grande amoureuse dont les exploits font sonner plein de nos idées cloches et préconçues : Carla Bruni.
Par esprit de contradiction, par volonté de provocation, par goût de l’évasion et de la construction d’autre chose, je pars à la rencontre d’un grand séducteur pur produit de mon imagination. Je distille à l’envie son carnet d’adresses amoureux en élaborant un palmarès comparable à celui de la belle et libre Carla. Je m’amuse et je tousse devant ce portrait miroir où se télescopent des correspondances improbables. Je m’interdis tout jugement de valeurs, j’extrapole les idées folles, les mariages impossibles… je suis pour la liberté de penser et pour le libre mouvement des corps. J’ouvre la porte aux commentaires et à l’indulgence.
Carla BRUNI | Carlos BURNET | |
Chanteurs | Mick JAGGER J-J. GOLDMAN Louis BERTIGNAC Eric CLAPTON |
Madonna Mylène FARMER Lorie Barbara STREISAND |
Comédiens | Charles BERLING Vincent PEREZ Kevin COSTNER |
Anne PARILLAUD Carole BOUQUET Sharon STONE |
Politiques | Laurent FABIUS Nicolas SARKOZY Luc FERRY |
Ségolène ROYAL Michèle ALLIOT-MARIE Simone WEIL Rashida DATI |
Divers | Donald TRUMP Arno KLARSFELD J-P ENTHOVEN, le père Raphaël ENTHOVEN, le fils |
Mona AYOUB Eva JOLY |
Vanity Fair n° 27 – septembre 2015
Coquetterie : rien au monde de plus honorifique que d’être présenté comme étant un collectionneur de tableaux ; appartenir à cette élite mondiale et nonchalante qui concède parfois à communiquer hypocritement sur sa passion. Mais à propos de ses œuvres derrière lesquelles cette aristocratie ne se cache pas mais dont elle revendique la propriété, s’est-on seulement posé la question de savoir quelle était leur meilleure place ? A l’atelier, dans les salons particuliers, au musée… sur les murs du château de Versailles ?
Un ami notaire me raconta l’histoire d’une succession hors du commun qu’il eut à régler. Un père de famille, important propriétaire de milliers d’hectares de champs d’oliviers dans le sud de l’Europe, nourrissait avec un goût très éclectique une passion secrète pour les tableaux et les peintres. Il parcourait la planète pour visiter les musées, avait accès à quelques collections particulières et rencontrait les artistes avec lesquels il affectionnait tout particulièrement de refaire le monde en passant des soirées à boire des coups inspirés. Il n’était pas très souvent chez lui et ne ressentait pas trop le besoin de posséder pour posséder – quel intérêt d’entasser des trésors si on ne peut pas en profiter ? Cependant en toute discrétion il constitua une petite collection qu’il dissémina chez des amis choisis. Les artistes et marchands étaient contents de vendre ; les dépositaires se voyaient rappeler au joyeux souvenir de leur ami à la vue des tableaux prêtés.
Après son décès ses enfants découvrirent l’existence et l’éparpillement des chefs-d’œuvre. Selon un protocole établi avant sa disparition, l’ensemble des tableaux fut retourné à la succession à l’exception d’une douzaine. Dans un alinéa de son testament le père invitait ses enfants à se rapprocher des douze récipiendaires dont la liste était jointe pour convenir de rendez-vous à l’issue desquels ils pourraient disposer des tableaux.
« Ce lègue particulier que je vous demande d’aller chercher n’est pas accompagné d’un message, c’est une nouvelle conversation que je vous invite à ouvrir entre les tableaux, mes amis et vous.
Allez les voir dans l’ordre qu’il vous plaira, chaque rencontre devra vous apporter la joie que j’ai eu de les croiser un jour pour les partager très vite. Vous repartirez avec ou pas, le choix vous appartient.
PS. J’ai privilégié des petits formats pour plus de praticité dans vos vies modernes et mouvementées… »
Maison & Objet – Septembre 2015
Un des préceptes auquel je m’oblige avant de rentrer dans un magasin est de savoir pourquoi j’y rentre et ce que je viens y acheter. Pourquoi je m’invite alors en passager clandestin à naviguer dans les allées du salon M&O plusieurs heures durant, d’un pas chaloupé, sans escales ? Je ne suis pas un forçat du monde consumériste possédé par ses achats, peut-être la caricature joyeuse d’un galérien moderne qui espère encore et toujours qu’en usant ses semelles il sentira le vent le soulever. À chaque coup de gambette magique je m’attends à découvrir L’Objet Merveilleux. Je ne cherche pas la lampe d’Aladin, je suis dans son palace sous un ciel multi-étoilé. J’avance dans un monde de suggestion. Ce n’est pas ma présence qui est clandestine mais ma destination qui est incertaine. En passant les portes du salon, je m’en vais quérir le hasard et la sensation.
Et la rencontre se produit.
J’éprouve pour les polaroïds une tendresse particulière, pour l’appareil vintage et pour ses développements instantanés dont on pleure aujourd’hui l’altération inéluctable. Je conserve dans mes tiroirs une collection de ce que l’on n’appelait pas encore à l’époque des selfies – une série d’autoportraits où s’immobilisait l’impression du miroir dans lequel se reflétait le visage de mes vingt ans immatures. Je regarde avec joie les manipulations manuelles sur Polaroïd du photographe Christian McManus dont plusieurs tirages ornent les murs de mon bureau, et je m’arrête, interpelé, devant le stand Polaboy qui propose de reprendre autour d’une image rétro-éclairée la même forme de cadre que celui de nos bons vieux Pola avec la base plus large que les trois autres côtés. L’offre est astucieuse, elle me permet en un clic de résoudre le problème d’encadrement et de mise en valeur des tirages des photos de l’artiste que j’affectionne.
La sculpture traverse les âges, les peintures se restaurent, on accorde aux tirages photo une espérance de vie de moins de cent ans, le Polaroïd est une anecdote photographique à laquelle la raison me suggèrerait de ne pas m’attacher. Mais je m’y accroche ! Dans le hall d’exposition n° 8 le geste design du maître de forge Jirko Bannas aimante mon regard vers le contenant Polaboy et redonne vie au contenu McManus.
L’ouverture d’un nouveau flacon créatif me promet l’empreinte d’une nouvelle ivresse.
É–M&O–TION partagée ?
A partir d’une lecture, je partage un voyage ; à partir d’une image, d’une seule image, je pars dans un rêve. Je m’envole dans le décor, puis viens m’y reposer calmement avec un sentiment de bien être et d’appétit renouvelé. Je me pose à peine pour repartir et tournoyer encore, chercher un petit complément, cueillir une nouvelle saveur. Je projette dans ma tête-à-théâtre un leitmotiv plus emprunt de jouissance que de cohérence. Je deviens écrit-peintre, photo-rapporteur… pilote de mon aéro-rêve, à la limite du décrochage entre les mondes réel et imaginaire :
La Dolce Riva.
D’une vie simple et banale dans un cadre idyllique, l’existence de Lorenzo aurait pu virer au cauchemar le jour où il découvrit au milieu du lac le corps sans vie d’Irène la vieille dame, son amie. Lorenzo est artisan facteur. Après avoir servi comme vaguemestre dans la marine nationale italienne il distribue aujourd’hui le courrier aux riverains d’un grand lac du nord de l’Italie. Véritable agent de liaison, il est connu et apprécié de tous, il connaît chacun des habitants qui se cachent derrière les 211 boites aux lettres qu’il dessert . En plus de son travail de postier privé, il rend de-ci de-là quelques menus services. Son originalité est d’effectuer sa tournée en bateau ; il offre l’opportunité de pouvoir passer d’une rive à l’autre rapidement. Pour la Police, confortée par la duplicité mesquine de voisins devenus soudainement anonymes, il représente le profil du suspect idéal. La nature humaine possède une ironique capacité à honnir parfois ce qu’elle a tant chéri. Adieu Lorenzo ! Détail aggravant : la vieille et riche Irène a couché le beau Lorenzo sur son testament en lui donnant son bateau Riva.
Un facteur sait beaucoup de choses. Un bon facteur doit savoir se taire. Quand certains indélicats fouillent les poubelles des célébrités pour découvrir leurs secrets, lui retient simplement ce qu’il glisse chaque jour dans les boites aux lettres. Mais pour sauver sa peau Lorenzo n’hésita pas à rompre son serment informel et à aiguiller discrètement les enquêteurs sur l’ancien mari d’Irène dont il se souvenait des courriers menaçants et dont on ne retrouva curieusement aucune trace.
Dans le sillage de ses nouvelles tournées notre batelier-facteur n’abandonne aucune amertume, trop heureux de reprendre son service sur son nouveau bateau rebaptisé : ‘’SIRENE’’.