Tous les articles par Ubarius

Né en juin 1961 Marié, père de deux garçons (19 et 16 ans) Service militaire effectué au sein de la Marine Nationale Directeur technique de salons professionnels (1986 – 2005) Tour(s) de son nombril (2006 – 2007) Courtier en Travaux (2008 – aujourd’hui) Depuis 2012 consacre 90 % de son temps à l’écriture : - Taxi Lul’ au Fort du Trou d’Enfer (album pour enfant) - Le vol du poisson rouge (récit pour adulte) - O.L.P (scénario de court métrage) Dyslexique non contrariant …

SAN FRANCISCO

Les deux faces d’un même récit
———— Version # 1 ————
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Vanity Fair n° 35 – mai 2016

Quand le nom de Dorothée von F. apparaît sur son écran avec l’invitation à rejoindre son groupe d’amis, Cornelius Angel s’étonne. Une vague impression de déjà vu saupoudrée d’un parfum d’indécence bouscule son esprit. Est-ce encore une énième approche éhontée d’une amazone du net disposée à vendre ses charmes sur le grand trottoir qu’est devenue la toile, ou la sollicitation décalée d’une ancienne amie ? Il se balade sur son mur et essaye d’identifier l’intruse.
Pas d’enfant, pas de mariage, Cornelius vit à Paris ; il a fait sien l’adage d’Albert Cossery : la conquête d’un empire ne vaut pas une heure passée à caresser la croupe d’une jolie fille assoupie sous la tente dans l’immobile désert.
Aussi se demande-t-il si la résurrection virtuelle dont il est le témoin n’est pas celle d’une de ses furtives rencontres d’autrefois, une caresse de la nuit envolée au petit matin qui revient à travers le temps jouer les ondes chinoises.
Derrière son écran-paravent il devine son profil lui tendre la main. Dorothée von Finckenstein habite San Francisco et vient passer une semaine à Paris, elle est curieuse de revoir Cornelius.
Au Jardin du Luxembourg, où ils se sont donnés rendez-vous, parmi les nymphes baladeuses il cherche à découvrir ce qu’il connaît par cœur : ces femmes toutes en légèreté, devenues parisiennes par destination, marchant habillées des regards qu’elles ne dédaignent pas mais qu’elles feignent d’ignorer ; Il leur porte un intérêt discret et passionné. Vient le moment où la silhouette de Dorothée se dessine à l’horizon. L’instant où tout bascule. Le passé, englouti par les distances et l’oubli, refait violemment surface. La réalité s’impose, le télescopage dérange Cornelius. Il choisi de se détourner de la trajectoire de Dorothée afin de l’éviter définitivement. Seuls les héritiers d’une même famille sont obligés de se rapprocher un jour après s’être ignorés prestement pendant de longues années. Il garde sa liberté d’action. Tenu devant l’évidence, il estime cette possibilité à voyager dans le temps peu salutaire pour son avenir imaginaire. Il tient à ne pas corrompre ses souvenirs. Il préfère l’empreinte éthérée des caresses passées à la promesse hasardeuse de nouvelles tendresses.

Quand deux êtres se retrouvent 30 ans après ils se rejoignent pour toujours ou se perdent à jamais…

LOS ANGELES

Les deux faces d’un même récit
———— Version # 2 ————
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Vanity Fair n° 35 – mai 2016

Quand le nom de Dorothée von F. apparaît sur son écran avec l’invitation à rejoindre son groupe d’amis, Cornelius Angel s’étonne. Une vague impression de déjà vu saupoudrée d’un parfum d’indécence bouscule son esprit. Est-ce encore une énième approche éhontée d’une amazone du net disposée à vendre ses charmes sur le grand trottoir qu’est devenue la toile, ou la sollicitation inspirée d’une ancienne amie ? Il se balade sur son mur et essaye d’identifier l’intruse.
Pas d’enfant, pas de mariage, Cornelius vit à Paris ; il a fait sien l’adage d’Albert Cossery : la conquête d’un empire ne vaut pas une heure passée à caresser la croupe d’une jolie fille assoupie sous la tente dans l’immobile désert.
Aussi se demande-t-il si la résurrection virtuelle dont il est le témoin n’est pas celle d’une de ses furtives rencontres d’autrefois, une caresse de la nuit envolée au petit matin qui revient à travers le temps jouer les ondes chinoises.
Derrière son écran-paravent il devine son profil lui tendre la main. Dorothée von Finckenstein productrice à Los Angeles vient passer une semaine à Paris, elle est curieuse de revoir Cornelius.
Au Jardin du Luxembourg, où ils se sont donnés rendez-vous, parmi les nymphes baladeuses il cherche à découvrir ce qu’il connaît par cœur : ces femmes toutes en légèreté, devenues parisiennes par destination, marchant habillées des regards qu’elles ne dédaignent pas mais qu’elles feignent d’ignorer ; Il leur porte un intérêt discret et passionné. Vient le moment où la silhouette de Dorothée se dessine à l’horizon. L’instant où trente années se télescopent pour prendre l’épaisseur d’une feuille de papier verticale sur laquelle ils vont tenter de coucher ensemble leurs nouvelles complicités horizontales. Dans leur conversation s’entremêlent souvenirs lointains et projets éminents. La belle a un aveu à lui faire. Il s’amuse de l’intrigue : Les choses graves ne peuvent-elles pas attendre ? Dorothée avoue lui avoir emprunté un poème qu’il lui avait envoyé quelques semaines après qu’ils se soient quittés, pour l’adapter et en faire une chanson à succès. Elle est extrêmement gênée et inquiète de la réaction de Cornelius . Lui rigole : Tu traverses l’Atlantique et reviens trente ans après pour me dire cela ? Tu travailles dans l’industrie, (et la vente) du rêve, je suis un rêveur ; un artisan du rêve. Allons au Bar Joyeux trinquer aux succès des uns, aux talents des autres, et surtout aux sourires des anges !

Lettre à ma fille amoureuse

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Vanity Fair n° 34 – avril 2016

Adélaïde, ma fille, je suis le père le plus heureux du monde. Avec toi et tes deux frères, je savoure chaque jour l’amour qui nous transporte de génération en génération, régénère et entretient notre instinct de vivre. Le terrien n’aime d’Amour que ses parents et ses enfants, parfois le Bon Dieu – mais je n’ai, hélas, pas cette grâce ; le reste est du domaine du désir sexuel et de l’attachement, non de l’Amour avec un grand ‘’A’’ !
C’est pourtant ce reliquat, ces amours avec un petit ‘’a’’, qui vont occuper le plus clair de ton temps. Tu oublieras l’acquis pour partir vers d’autres préoccupations amoureuses. Et tu auras raison. Nous l’avons tous fait. Ce mouvement vers les autres ne doit pas être négligé, tu dois le cultiver et l’entretenir avec force et inspiration. L’être humain ne peut pas vivre sans aventures affectives et douceurs charnelles. Tu apprécieras le temps qui passe et apprendras à peaufiner le calendrier de tes rencontres.
Ta mère t’a donné la vie. Pas moi ! Je suis ton papa d’âme.
Tu es ma fille unique. Je te souhaite de devenir une femme heureuse et épanouie. Je m’inquiète de ton bonheur. Cette inquiétude n’est pas un souci pour moi, c’est un souffle, une force, une inspiration à aimer la vie davantage chaque jour. Je veux t’aider à trouver ta place dans le monde. Je ne sais pas si le Prince Charmant existe, je ne te le promets pas ! Avec l’éducation et la sensibilité que nous partageons, je suis assuré que tu sauras faire venir à toi des garçons galants et délicats ayant le sens de la pudeur et que tu sauras éviter les goujats et autres prédateurs. Je veux que tu sois bien dans ta peau et t’invite à mener ta vie comme tu l’entends. Le jour où tu m’annonceras tes fiançailles je t’emmènerai découvrir la passerelle du château du roi Arthur en Cornouailles. Comme deux mains tendues au-dessus du vide les deux porte-à-faux indépendants de l’ouvrage se rejoignent au milieu sans se toucher, ou presque…
Passerelle Tintagel 2Je crois en la différence et dans la complémentarité des êtres. Je crois en la tendresse créative et dans l’infini beauté des amoureux, je crois en toi.

La seule chose que je te demande, oh ma fille, est de ne jamais tomber amoureuse d’un producteur hollywoodien !

TATOUAGE

La mode est faite pour bouger. Elle est versatile, éphémère, primesautière ; elle habille et déshabille l’humeur du jour. Elle accompagne les mouvements de société, parfois elle les anticipe, dans les plus heureux des cas, elle les influence. Elle dénonce aussi les excès bien qu’elle en fasse son lit de temps en temps. Le monde de la mode est la pire et la meilleure des choses, des talents à la créativité inouïe, des savoir-faire merveilleux et rares, mais hélas elle a une propension à se prendre très au sérieux. Ceux, créateurs comme clients, qui ont compris que ce n’était qu’un jeu sont les plus heureux du monde, les autres de malheureuses victimes.

Tatouage lingerie

Le tatouage est un phénomène de mode destiné à rester sur la peau. Le chemin que chacun emprunte pour arriver jusqu’à l’inscription sur soi est de l’ordre de l’intime, du combat intérieur entre la nécessaire discrétion, le besoin d’expression et la volonté d’exister aujourd’hui et demain, dans le présent et l’au-delà. On considère alors son corps comme une plaque ante-mortem, un livre ouvert sur une déclaration plus ou moins discrète que l’on a curieusement envie de proposer à tous. J’entrevois une charge érotique patente à souffrir pour recevoir un dessin graver dans sa chair et au fur et à mesure que la douleur s’estompe monte le désir, comme une récompense, que le plus doux des regards vienne se poser sur soi. Et alors de recommencer pour un nouveau tatouage, une nouvelle flagellation… Un Petit Prince sur le cœur, une salamandre sur l’épaule, une étoile à la cheville, un Mickey sur la fesse, une rose des vents dans le cou, une ancre marine sur le biceps…Tracer sa vie avec un sang d’encre, est-ce le penchant à une mauvaise habitude ? Prendre sa peau pour une page blanche, en finir avec les ressemblances, marquer sa différence. A fleur de peau dessiner un bouquet de roses. Avec des nouvelles lignes de vie redonner au corps de sa naissance de belles espérances. Corps silencieux, territoire de combat, de conquête, de libération, mais sans mots, sans âme, je veux lui dessiner un destin : un dessein d’envie, d’amour et de postérité enfin. Ces dessins sur mon corps, peut-être les maux de mon cœur – des rictus de douleur pour des clins d’œil de douceur. Entre les pores de ma peau je jette l’encre nécessaire comme autant d’hypothèses à des envies que je ne maitrise pas complétement. Le tatouage participera à l’économie de mon corps non à son commerce. Malgré tous mes rêves d’éternité il disparaitra hélas avec mon dernier souffle.

TATTOO YOU

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Vanity Fair n° 33 – mars 2016

La mode est faite pour bouger. Elle est versatile, éphémère, primesautière ; elle habille et déshabille l’humeur du jour. Elle accompagne les mouvements de société, parfois elle les anticipe, dans les plus heureux des cas, elle les influence. Elle dénonce aussi les excès bien qu’elle en fasse son lit de temps en temps. Le monde de la mode est la pire et la meilleure des choses, des talents à la créativité inouïe, des savoir-faire merveilleux et rares, mais hélas elle a une propension à se prendre très au sérieux. Ceux, créateurs comme clients, qui ont compris que ce n’était qu’un jeu sont les plus heureux du monde, les autres de malheureuses victimes.

Le tatouage est un phénomène de mode destiné à rester sur la peau. Le chemin que chacun emprunte pour arriver jusqu’à l’inscription sur soi est de l’ordre de l’intime, du combat intérieur entre la nécessaire discrétion, le besoin d’expression et la volonté d’exister aujourd’hui et demain, dans le présent et l’au-delà. On considère alors son corps comme une plaque ante-mortem, un livre ouvert sur une déclaration plus ou moins discrète que l’on a curieusement envie de proposer à tous. J’entrevois une charge érotique patente à souffrir pour recevoir un dessin graver dans sa chair et au fur et à mesure que la douleur s’estompe monte le désir, comme une récompense, que le plus doux des regards vienne se poser sur soi. Et alors de recommencer pour un nouveau tatouage, une nouvelle flagellation… Un Petit Prince sur le cœur, une salamandre sur l’épaule, une étoile à la cheville, un Mickey sur la fesse, une rose des vents dans le cou, une ancre marine sur le biceps…Tracer sa vie avec un sang d’encre, est-ce le penchant à une mauvaise habitude ? Prendre sa peau pour une page blanche, en finir avec les ressemblances, marquer sa différence. A fleur de peau dessiner un bouquet de roses. Avec des nouvelles lignes de vie redonner au corps de sa naissance de belles espérances. Corps silencieux, territoire de combat, de conquête, de libération, mais sans mots, sans âme, je veux lui dessiner un destin : un dessein d’envie, d’amour et de postérité enfin. Ces dessins sur mon corps, peut-être les maux de mon cœur – des rictus de douleur pour des clins d’œil de douceur. Entre les pores de ma peau je jette l’encre nécessaire comme autant d’hypothèses à des envies que je ne maitrise pas complétement. Le tatouage participera à l’économie de mon corps non à son commerce. Malgré tous mes rêves d’éternité il disparaitra hélas avec mon dernier souffle.

TCHIN-TCHIN BROTHERS

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Vanity Fair n° 32 – février 2016

Avant de se diriger vers le bar du Raphaël, Paul trépigne devant l’entrée de l’hôtel ; il guette l’arrivée de son frère Xavier qui comme d’habitude se fait attendre – cela fait 70 ans que ça dure ! Il bavardait avec le chasseur du palace quand il aperçoit la limousine de son aîné avancer silencieusement vers eux ; écartant le voiturier il monte à bord et dirige son frère jusqu’à la place qu’il a bloquée avec sa propre voiture – une luxueuse sportive de marque italienne.

Ils sortent d’un rendez-vous chez le notaire à propos de la succession de leur père, et ils veulent se retrouver dans un endroit tranquille afin de faire un point sur leur situation familiale. Sauf à lire leurs états civils, rien n’attesterait de leur filiation. Les deux frères ne se ressemblent pas. Le puîné est nerveux et sec tandis que l’aîné est jovial et enrobé. Paul est toujours pressé. Il a embrassé très tôt le succès en devenant l’impresario et producteur d’une star de la chanson française. Xavier a toujours pris son temps en développant son commerce de cordonnerie et en acquérant au fur et à mesure les emplacements où il installait ses boutiques. Après près de cinquante ans de vie active, ils sont arrivés tous les deux à un même niveau de fortune.

Assis dans le velours rouge des fauteuils d’un autre temps de ce bar sans âge (1925), l’un face à l’autre, ils sirotent leur boisson alcoolisée favorite et croisent leurs vies. Lequel des deux a eu le plus beau parcours ? Celui qui est parti sur les chapeaux de roues et n’a cessé de côtoyer les sommets, quitte à s’épuiser parfois et à toujours rebondir, ou bien le paisible et laborieux boutiquier qui égraina les heures de travail avec le sentiment du travail bien fait et sereinement accompli ? Ils ne vont pas se battre pour savoir lequel des deux a le mieux conduit sa vie ; leurs amours cabossées, leurs enfants envolés, leurs comptes en banque bien dotés… Ils ouvrent pour la première fois leurs ‘’coffres-fors-intérieurs’’ et s’interrogent sur la meilleure façon, non pas de transmettre à leurs enfants leur patrimoine financier mais la part, qu’ils tentent de cerner, de leur réussite humaine. On peut disserter indéfiniment sur le bonheur de vivre, mais ils ne vont pas réussir en une soirée à faire le tour de la question. Le bonheur ne se décrète pas, il ne se transmet pas en héritage non plus. Subissant avec âpreté le vide que laisse leur père mort, ils font le serment mutuel de combler la distance que les mouvements égoïstes et non réfléchis de leurs vies ont généré entre eux, leurs enfants et petits enfants. Ce soir ils ressentent le besoin de revitaliser leur tissu familial en passant du temps ensemble – tout simplement ! Ce qu’ils veulent valoriser c’est le vivant, pas la mort.

Une fois la réanimation de leur existence réalisée, ils se disent qu’ils pourront mourir heureux.

Tchin-tchin Brothers !

La Maison Voutch

HOP PML
Maison & Objet – Janvier 2016

Le bois est très présent à cette édition de janvier, sur les stands comme matériau décliné sous toutes ses formes et couleurs, il est également rappelé dans les allées par la fréquentation de nombreux hipsters aux allures de bucherons urbanisés aussi soucieux de leur pilosité apparente que les bimbos de leur décolleté.

Belle respiration dans ma déambulation au long cours à travers les allées, l’instant où je retrouve un exposant qui me ravit à chaque visite.

Au fil des saisons, presque à mon insu, j’ai gardé dans un coin de ma mémoire ce fameux stand. Il s’impose aujourd’hui car il a changé de hall et de configuration. Je passe devant sans le reconnaitre immédiatement. Heureusement mon Jiminy Cricket knocque-knocque dans mon crâne et m’envoie une puce à l’oreille qui me rappelle l’attachement particulier que je voue à ce stand. Ce ne sont pas les immenses et magnifiques tapis exposés qui retiennent mon attention mais la scène immuable et involontairement comique qu’il propose à chaque édition. L’exposant voudrait reproduire un dessin de Voutch qu’il ne ferait pas autrement ! Imaginez une pièce toute en hauteur avec au fond un très grand bureau derrière lequel se tient un monsieur très digne et habillé avec une grande élégance. Il offre des coupes de champagne à trois magnifiques clientes sans âge sous les regards bienveillants et professionnels de deux jeunes serveurs en livrées orientales. Ils se tiennent tous les six dans une posture stoïque et calme, formidablement décalée par rapport au brouhaha alentour.
Pas un trait de leurs visages ne bouge :

« Parlez-moi de vous, Mesdames, de vos projets, de vos envies, de vos rêves. De mon côté je me charge de les chiffrer. »

 

L’illustration est la photo d’une sculpture non présente sur le salon. Elle est le fruit du travail et de l’imagination de Pierre Marie Lejeune.

DESILLUSIONS

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Vanity Fair n° 31 – janvier 2016

Aïe ! Cela devait bien arriver un jour. La lecture de mon magazine préféré ne m’emmène nulle part. Je reste devant la porte d’embarquement à m’essuyer les pieds maladroitement sur le paillasson d’une hébétude chevrotante et pas anticipée. Alors que désemparé j’effectue le mouvement de balancement avec mes jambes – deux métronomes perdus et solidaires qui battent la mesure de ma déception – me revient un souvenir contrasté.

Au bout du fil une jeune femme avec laquelle je tenais des conversations commerciales : sa voix et ses à-propos m’enchantaient. J’étais sous son charme. Je l’invite un jour à déjeuner en espérant bien sûr que la rencontre clôturera la longue période de fantasmes et de latence induite pour déboucher sur le début d’une belle histoire. Hélas dès l’entrée de son corps dans mon champ de vision l’agréable silhouette téléphonique et la jolie personnalité que j’avais imaginées se désagrègent pour se transformer en une figure ingrate et maladroite. Les propos qu’elle lance autour d’elle me désespérèrent. Mon rêve se brise, je m’en veux d’être à la fois si sectaire et si profondément déçu. Engoncé dans la dictature de mon renfrognement j’essaye malgré tout, pendant le déjeuner, de lui trouver des circonstances atténuantes ; hélas, mille fois hélas, espérances éthérées et épiderme teigneux ne font pas bon ménage ! Je ne la supporte pas. La chose est entendue, ma solitude immense, mais déjà du fond de ma conscience une petite voix ricane. Acteur-moqueur d’un optimisme forcené, face aux désillusions je prendrai toujours le parti-d’en-rire. Déception et satisfaction ne sont que les deux faces d’une même comédie, que m’importe la pente pourvue que je reste en vie.
Je conclus cette 24e chronique et fête l’anniversaire des 2 ans du début de mes voyages en magazine en jetant ma plume en l’air dans l’espoir qu’elle retombe plus inspirée la prochaine fois. J’éclate de rire aussi !

AUTANT EN EMPORTE LE SOUFFLE

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Vanity Fair n°30 – décembre 2015

Dans l’impression innocente d’un moment envolé, mais à jamais ancré dans ma mémoire sensible, je m’aperçois m’être abandonné ma vie durant à poursuivre une onde bienveillante…
Jeune amoureux j’allais rejoindre ma dulcinée du moment sous les toits de Paris, dans sa chambre de bonne. Nous étions entre l’appartement de ses parents et le ciel bleu des gens qui s’aiment. J’avançais à pas de loup au dernier étage sans avoir allumé la lumière de peur que le bruit de la minuterie ne réveilla quelques âmes sensibles. Influencé aussi par l’ambiance de clandestinité dans laquelle je me déplaçais, transportant avec moi un sentiment d’usurpation – je redoutais la présence agressive d’un rival jaloux embusqué dans un recoin. Marie-Louise s’était promise à un riche américain mais c’est avec moi, pauvre bougre, qu’elle voulait passer ses dernières douces nuits de pures frivolités. Sa chambre était au bout du couloir. Il me fallait passer devant toutes les portes ; derrière l’une d’elle je captai un gémissement, un discret feulement saccadé, la respiration d’une femme en plein orgasme. Je devinai son sourire de contentement, je collai mon oreille contre la porte et entendis presque ses petits frissons retenus en conclusion du plaisir qu’elle venait de vivre. Je repris perturbé mon chemin vers la chambre de Marie-Louise, possédé par l’expression de l’extase féminine que je venais d’entendre. Je fis l’amour en retenant ma respiration pour mieux écouter ma partenaire réagir. A bout de souffle j’éclatai de rire alors qu’elle s’abandonna complètement ; elle me rejoignit dans le plaisir en riant à son tour.
Je claironne aujourd’hui ce souvenir que je croyais éteint à jamais car je viens de découvrir Hysterical Literature, le projet d’un vidéaste américain qui met en scène de manière délicate et amusante la jouissance au féminin.
Qu’est-ce que je regarde en premier chez une femme ? Sa voix ai-je la coquetterie de répondre. Je réalise que c’est son souffle qui me fascine le plus et après lequel je cours depuis tant d’années. Ingénieur aérodynamicien, je m’éreinte à améliorer la perception des turbulences pour mieux les apprivoiser. Je travaille le jour à mettre en équation ce qui me fait rêver la nuit.
Je dompte et je ravive l’onde qui fait chanceler la flamme que je ne veux voir jamais s’éteindre.